escapade en Pays Paroupian dimanche 6 septembre 2015

 MAGNIFIQUE JOURNÉE AVEC L’ÉCRIN D’INSOS POUR NOTRE PREMIER « PARCOURS PATRIMOINE »

En gestation depuis deux ans, l’idée d’organiser, pour la rentrée d’A2PL, une sortie culturelle à la découverte de patrimoines situés hors des frontières landescotes, en partenariat avec des associations sœurs, s’est enfin concrétisée le dimanche 6 septembre 2015.

Pour cette première édition, nous avions rendez-vous en terre « clémentine », entre vallée du Ciron et pays paroupian : clémentine, car ne pas évoquer le « pape gascon », l’incontournable Clément V, était impossible ! L’itinéraire avait été conçu en accord avec nos amis de L’Ecrin d’Insos, association invitée à Lacanau par A2PL lors de la journée inter-associative du 3 mai 2014, qui s’était achevée par la visite de Notre-Dame-de-Benon et la découverte du manoir de l’Isle. Nos hôtes nous attendaient : Annie Pimbert, la présidente (que disons-nous : Annie est la « guerrière » d’Insos !), Jean-Luc Harribey, président d’Adichats, historien de l’architecture et du patrimoine, qui nous a fait le grand plaisir de commenter tout au long de cette journée l’ensemble des sites, et Roselyne Lalanne, adjointe au maire de Préchac. Car il faut souligner que l’association a l’appui de la municipalité, consciente de l’intérêt et de la qualité de ses travaux.

Après un sympathique café d’accueil organisé dans le joli bourg de Préchac, notre point de ralliement, nous nous sommes dirigés en file indienne vers Saint-Martin-d’Insos, à 2 km au sud. A tout seigneur tout honneur : la matinée était consacrée à la découverte - ou redécouverte pour certains d’entre nous - de ce bel édifice, qui nous charme par sa simplicité et sa majesté rustique. Objet des attentions, pour ne pas dire de l’amour des membres de L’Ecrin, c’est, en cette année 2015, une 8e campagne de restauration qui vient de s’achever. L’effet produit, lorsqu’on s’écarte de la route principale pour pénétrer sous le couvert des arbres, est à chaque fois le même : soudain, le clocher-mur semble émerger de la forêt, dressant sa façade vers l’horizon comme pour appeler à lui les habitants de la lande. Encore quelque centaines de mètres, et l’on découvre cette nef, comme perdue dans son airial, éloignée de tout lieu de vie. Mais n’est-ce pas la définition même du havre ?

Ne pas hésiter à visiter le site internet de l’association : lecrindinsosdeprechac.jimdo.com

A Insos, tout est paisible. Nous avons admiré le hourd du clocher, décrypté la façade à la recherche de la discrète croix pattée, avant de pénétrer dans l’enceinte du cimetière, dont l’étendue surprend. Mais ce serait oublier que Saint-Martin fut une paroisse importante, qui drainait une population disséminée dans la lande, et dont le prêtre desservant, nommé par l’évêque de Bazas, n’avait pas à se plaindre si l’on en juge par leur longévité. Investigateurs dans l’âme, nous avons recherché leurs noms et les dates de leur sacerdoce, à commencer, au milieu du XVIIe siècle, par Louis Guyomarch (un patronyme qui sonne breton !) : ils se nommaient Raymond Lamer (1709/1743), Michel Dartigolles (1744/1771), pour finir avec l’abbé Lalanne (1771.1792), par ailleurs chanoine de l’église de Villandraut. La croix de pierre du XVIIIe siècle a été restaurée en 2011, et au bout du cimetière, certaines croix de fonte, cette fonte d’art qui a réuni nos deux associations, restent fichées sur leurs stèles depuis plus d’un siècle : une Val d’Osne (l’Ange adorateur, très reconnaissable, dont le Médoc possède plusieurs exemplaires), et une Corneau, le n° 164, celle que nous appelons « la Vierge paysanne », dont nous ne connaissons qu’un exemplaire unique dans notre secteur, au cimetière d’Avensan. Nous avons également pu admirer, à l’intérieur de l’église, « Le Saint-Esprit », une œuvre de Corneau frères, entièrement restaurée : un modèle tout aussi rare dans la presqu’île.

croix pattée
croix pattée
vierge paysanne
vierge paysanne

Les plus audacieux ont ensuite gravi les marches de l’escalier à vis, marquées par l’usure du temps. La vue méritait l’effort : depuis le balcon de pierre, un large panorama sur la forêt landaise, et au pied des pins, une mer de fougères aux reflets argentés, que rythme la verticalité du clocheton juché à l’aplomb du chevet. Si nos tentatives pour décrypter dans son intégralité l’inscription de la cloche ont été rapidement freinées par l’escalade qu’elles présupposaient (mais nous attestons qu’elle a été fondue en 1824, fleurs de lys à l’appui !), les trois grotesques qui feignent de soutenir l’arcature ont recueilli tous les suffrages des photographes. En vérité, nous dirons un grotesque, la figure centrale, flanquée à droite d’un jeune diablotin rieur aux petites cornes naissantes qui nous tirait plaisamment la langue, et à gauche, d’une sculpture qui nous est apparue (mais sommes-nous de bons interprètes ?) comme un délicat visage féminin, enserré dans une guimpe. Un balcon sur la lande, où l’on resterait, chauffé comme nous l’étions ce jour-là par un doux soleil. Mais les meilleures choses ont une fin : la descente nous guettait, sans doute encore plus périlleuse que l’ascension, chichement éclairés, sans qu’aucun d’entre nous ait pourtant regretté l’expérience. Midi sonnant, avant le départ d’Insos, A2PL a tenu, par amitié comme par solidarité spontanée entre amis et défenseurs du patrimoine, à marquer son soutien à L’Ecrin. C’est aussi pour cela que nous souhaitons créer des rencontres : nous encourager mutuellement, favoriser l’entraide, rompre la sensation d’isolement qui guette parfois. Apporter, selon l’expression consacrée, sa pierre à l’édifice.

L’étape au château de la Trave, lorsqu’on descend à Préchac, est inévitable, mais le lieu, ce jour-là, baignait réellement dans une extraordinaire lumière. Jean-Luc Harribey nous a résumé la conception architecturale de ce site marqué par la personnalité d’Arnaud-Bernard, neveu de Clément V, et sa chute brutale, miné, semble-t-il, pendant les guerres de religion plutôt qu’à la fin de la guerre de Cent Ans. Le numéro de voltige effectué par la muraille qui s’appuie désormais, à angle aigu, contre un autre pan subsistant atteste de la violence des explosions. C’est un peu Angkor : les chênes ont lové leurs racines autour des pierres. Ruine romantique par excellence, la Trave offre de multiples niches où s’abriter pour un déjeuner sur l’herbe, sous les frondaisons, sauf pour les adorateurs du soleil installés dans la rotonde (ce jour-là, seuls deux « lézards » ont pris l’option).

Dans cet endroit, le roulement des eaux du Ciron est omniprésent. La Trave n’a qu’un défaut : lorsqu’un programme vous attend l’après-midi, il est très difficile de s’en détacher !

Direction Saint-Léger-de-Balson, où nous avons effectué un tour complet de l’édifice, révisé nos connaissances sur le gothique flamboyant et le gothique rayonnant, disserté sur les pinacles, approché les tables d’offrandes. L’intérieur, très frais, dont l’accès est malaisé en temps ordinaire, nous a permis de découvrir les peintures murales qui ont valu à cette église d’être inscrite sur les tablettes du PNRLG, avec, entre autres, l’évocation des mois et le tétramorphe de la voûte du chœur. En sortant de l’église, petite excursion improvisée à la fontaine miraculeuse dédiée à saint Clair, qui a permis d’admirer le cours de la Hure, jolie rivière affluent du Ciron qui depuis Saint-Léger s’en va en serpentant jusqu’aux ruines de la forteresse de Castelnau-de-Cernès. Une file d’attente se crée pour accéder au portillon du saint guérisseur, car on ne sait jamais !

 

PNLRG : Parc Naturel Régional des Landes de Gascogne. Voir l’ouvrage édité en 2002 aux éditions Confluences, Peintures murales des églises de la Grande-Lande, par Michelle Gaborit et Jean-Pierre Suau, et dans la collection Empreintes landaises, la vidéo Le circuit des églises à peintures murales sur le site www.fresques.ina.fr.

Enfin, Budos : un émerveillement. Le mot n’est pas trop fort, et Annie nous l’avait prédit : sa position est exceptionnelle, cerné à perte de vue par les vignes, et lorsqu’on entreprend de contourner l’enceinte par la gauche, sur le chemin tracé de l’autre côté de l’impressionnant fossé sec, chaque nouvel angle de vue révèle la splendeur des ruines. Ici, le chantier a débuté en 1982, et Jean-Luc Harribey se plaît à rappeler que les murs étaient alors recouverts de végétation, au point que l’on avait du mal à deviner le bâti subsistant. Et pourtant, quels vestiges ! Deux murailles et quatre tours d’angle sont intactes, et l’approche archéologique de la façade nord, à demi-détruite, doit encore permettre sa reconstitution partielle. A l’angle sud-ouest, la tour octogonale se dresse avec une fierté qui rappelle, par ses archères et d’autres éléments défensifs, le passé militaire du château. Mais notre guide a beaucoup insisté sur le raffinement et l’élégance de la construction, moins massive que certains autres édifices, en témoigne la faible épaisseur des murs : c’est véritablement la perle des châteaux clémentins.

A Budos, une nouvelle expérience pour les mollets : l’ascension de la tour-porte, désormais accessible depuis la repose de planchers de chêne dans les étages. Un exercice facilité par le maintien temporaire de l’échafaudage extérieur, mais qui se complique pour les deux derniers niveaux : là, ce sont les échelles qui entrent en jeu, avec plus ou moins de bonheur chez les grimpeurs ! Mais une dizaine de têtes brûlées ont tout de même atteint la plate-forme, et mieux encore, ont su redescendre, parfois sans enthousiasme et au prix de quelques fous rires. Ensuite, les images parlent d’elles-mêmes pour décrire la magie de Budos. Lieu idéal pour achever ce parcours, et remettre à Jean-Luc Harribey, à défaut d’une médaille (ce n’est pas si simple de piloter un groupe de 30 landescots !), un panier de victuailles du terroir médocain. Pour tous ceux qui n’ont pu nous accompagner ce jour-là, n’hésitez pas : Budos est exceptionnellement ouvert à l’occasion des prochaines Journées Européennes du Patrimoine, les 19 et 20 septembre.

C’était l’heure des adieux, mais quelque chose nous fait dire que cette escapade à l’autre bout de la lande n’est qu’un commencement. Nos remerciements pour cette superbe journée vont encore à Annie, à Roselyne et à Jean-Luc, mais aussi à tous nos adhérents présents : un tiers des membres, pour une sortie de cette nature, qui exige, nous en avons conscience, une solide condition physique, ce n’est pas mal ! La famille A2PL s’agrandit beaucoup depuis un an, mais par ce fait, elle s’enrichit, et se mobilise pour se retrouver. Alors, prochain « parcours patrimoine » dans un an, pour la rentrée 2016, sous d’autres cieux de Gironde ?

Encore un mot pourtant. Une ambiance détendue, chaleureuse, riante même, planait sur cette journée d’amitié. N’est-ce pas cela, le véritable esprit associatif, l’esprit de partage, plutôt que les attitudes cultureuses guindées, superficielles, où l’on écrase l’autre de sa prétention ?

Le patrimoine est une passion qui rassemble. S’en préoccuper implique le désintéressement, et la seule récompense à attendre est le plaisir que l’on offre en le faisant découvrir. Aussi, avant de laisser s’éloigner le souvenir de ce beau dimanche, nous nous laisserons porter par l’ode composée en l’honneur d’Insos, qu’Annie a offert, le soir, aux participants, et qui maintiendra le lien.

Adichats, L’Ecrin !