Un Landescot voltairien, champion de l’Indépendance américaine
Parmi les multiples personnages qui demeurent ignorés dans leur pays natal, se trouve Valentin Jautard (1736-1787), mort à Montréal à l’âge de 50 ans, dont le rôle et les engagements politiques et intellectuels en Amérique du Nord entre 1775 et 1779 sont à présent reconnus et abondamment documentés. Le projet d’encyclopédie libre et collective Wikipédia lui a même réservé une courte notice qui ne fait qu’évoquer sa naissance à Bordeaux, sans développer aucun de ses antécédents. Là-bas, près des glaces du Saint-Laurent, il a laissé son nom à une place de la capitale du Québec, et les universitaires canadiens, toujours à la pointe de la recherche historique, lui consacrent des études depuis plus de 25 ans. Modeste apport aux travaux menés au sein des facultés de Montréal, de Toronto, ou de l’université Laval dont nous offrons ici une synthèse, cet article donnera également un bref aperçu de ce qu’est susceptible d’amener l’association à la connaissance des familles bourgeoises castelnaudaises : aspect qui forme l’un des axes du programme Patrimoine de Castelnau initié en cette année 2015.
Un Landescot voltairien, champion de l’Indépendance américaine
Valentin Jautard : une biographie de 420 pages incluant l’édition de ses nombreux écrits est parue en 1989. Elle a restitué sa place à cet homme, longtemps objet d’une désaffection voire couvert d’opprobre, « qui fut à la fois le premier journaliste de langue française au Canada, le premier vulgarisateur scientifique et le premier critique de la littérature canadienne », comme le rappelait l’écrivain québécois Maurice Lebel. L’article conçu par Claude Galarneau au sein du Dictionnaire biographique du Canada publié en 1980 passe pour le premier acte de cette quasi-réhabilitation. L’historien y conclut : « Valentin Jautard était une fine mouche, un habile polémiste qui, loin d’avoir l’âme d’un valet ou d’un arriviste, fut un combattant d’avant-garde, dont le courage et l’indépendance d’esprit ne font aucun doute. Il est regrettable que de nombreux aspects de sa vie demeurent inconnus, entre autres ses origines et son éducation, ainsi qu’une partie notable de son activité à Montréal ». Or, ces origines inconnues, davantage que Bordeaux où il ne fit que venir au monde, c’est le Sud-Médoc, avec Castelnau, son principal centre d’activités, et les vignobles voisins de Moulis et de Listrac, lieux où il passa une partie de sa jeunesse.
Si l’on ne rattache pas spontanément Jautard au Médoc, c’est dans la mesure où il est né à Bordeaux, ce qui a pu laisser penser à tort qu’il appartenait à une famille de tradition urbaine depuis plusieurs générations. Si l’élévation de son esprit encourageait cette interprétation, la mettre directement en rapport avec la naissance du journal des frères Labottière, comme nous l’avons lu, nous paraît précaire : à cette date, en août 1758, tout indique que le jeune homme a déjà quitté Bordeaux, et cette publication n’a pu l’influencer. Loin d’être solidement ancré dans le milieu intellectuel bordelais, Valentin appartient en réalité à l’une des principales dynasties du canton de Castelnau, omniprésente du 17e au 19e siècle, qui vient tout juste, au moment de sa naissance, de mettre un pied dans la grande ville.
En raison d’un grand nombre de fils à chaque génération, cette dynastie, dès le milieu du 18e siècle, est même devenue tentaculaire et s’est définitivement scindée en deux branches principales : les Jautard-Bouqueyran, qui tirent leur nom du village de ce nom, à Moulis, et où sont situées leurs propriétés ; et les Jautard-Mazarin, dont le surnom, apparu dans la seconde moitié du 17e siècle, pourrait résulter de prises de position personnelles au cours de l’Ormée. Dans l’Ancien Régime, les Jautard auront compté six notaires depuis le règne de Louis XIII, répartis entre Moulis, Castelnau et Listrac, qui ont également exercé dans l’appareil judiciaire de la baronnie de Castelnau les fonctions de procureur d’office ou de juge. Evident facteur distinctif, tous les membres du clan conquièrent le droit de sépulture et de banc dans le sanctuaire des églises. Leur réseau d’alliances est très étendu et englobe toutes les familles qui comptèrent à un moment quelconque dans le Sud-Médoc : Delout, Landé, Hosten, Arbouët, Verninet, Brun, Escot, Damas… C’est l’ensemble de la bourgeoisie landescote qui se croise dans cette généalogie, avant que la plupart des fils Jautard, essentiellement dans la branche Bouqueyran, ne se propulsent à Bordeaux, signe indubitable, pour cette élite semi-rurale, de promotion sociale. Le premier à quitter Castelnau pour Bordeaux est Pierre (1699-1767), aîné des oncles de Valentin, marié en 1726 à une demoiselle Fabry, issue de l’une des principales familles de maîtres parcheminiers bordelais. L’une de ses deux tantes, Marie (1710-1797), intègre l’ordre des Ursulines et fait sa profession de foi dans le couvent de la rue Sainte-Eulalie en 1737. Et si le plus jeune de ses oncles, un autre Pierre (1715-1788), reste le seul à ne pas « monter » à Bordeaux, il peut se parer en Médoc du titre de capitaine des chasses du Maréchal de Duras (qui fut, rappelons-le, seigneur de la terre de Castelnau à partir de 1768). Chez les Mazarin, où la descendance est plus restreinte, la stabilité est plus grande si l’on excepte le départ de Dominique Jautard pour Saint-Domingue, où il ne fera pas souche. Lorsque naît Valentin en 1736, les siens sont incontestablement en pleine mobilité, à mi-parcours entre l’aire rurale et l’aire urbaine. C’est un point important à souligner pour mieux appréhender son environnement.
Sans nous étendre outre mesure sur des développements généalogiques oiseux (il faudrait un volume entier pour présenter cette famille tant les sources sont nombreuses), donnons ici quelques repères. L’ancêtre commun est Menjon Jautard, avatar du prénom Dominique (dont la forme occitane la plus courante est Domenge) : on fera bien sûr le lien avec le vignoble du Puy de Menjon à Listrac, qui fut tant convoité au 18e siècle et donna lieu à de véritables rivalités, auxquelles les barons de Castelnau eux-mêmes participèrent. Menjon, en 1625, est donné comme fermier de la maison noble de Saint-Genès, et s’éteint en 1631 : ses deux fils, Pierre et Raymond, sont les auteurs des deux branches de la famille. Grand-père et parrain du futur journaliste, Valentin Jautard, marchand à Castelnau, est issu de la branche Bouqueyran, celle de Raymond : c’est d’ailleurs dans cette propriété qu’il meurt en 1750, avant d’être inhumé dans le tombeau de l’église Saint-Jacques. Il avait épousé en 1698 Marie Larauza, alors âgée de quinze ans, qui lui a donné avec une régularité de métronome vingt enfants, dont six seulement atteignirent l’âge adulte (ce qui ne l’empêchera pas, véritable matriarche, d’atteindre l’âge plus que respectable de 87 ans). Valentin l’aïeul, comme tous les marchands fortunés, a été fermier des revenus de la terre de Castelnau, avant d’exercer longuement la charge de procureur d’office de la petite juridiction voisine d’Avensan. A son décès en 1750, Marie, sa veuve, fait cession de l’ensemble des biens à leurs fils. Les immeubles, répartis sur sept paroisses, atteignent l’appréciable valeur de 30 000 livres : Castelnau, Listrac, Moulis, mais aussi les prairies du bord d’estuaire (Soussans, Lamarque, Arcins), et enfin Sainte-Hélène, où ils possèdent un moulin et une métairie (l’endroit sera encore au 20e siècle désigné par le toponyme « Jautard »). Nous savons donc avec détail de quoi se compose le patrimoine familial lorsque Valentin naît à Bordeaux le 16 août 1736, dans le quartier Sainte-Eulalie, de l’union de Jean Jautard et de Rose Dufau dont il est le fils puîné. Notons que sa famille maternelle a également des attaches dans le Médoc, où elle possède des biens à Arsac et à Saint-Julien. Mais surtout, Rose est à la fois la nièce de Jean Bretonneau, capitaine garde-côte, propriétaire à Soussans du domaine de Paveil, et de Thomas Alexis de Lanefranque, détenteur du fief de Fontesteau, à Saint-Sauveur. Le grand-père maternel de notre voyageur, Jean Dufau, a une maison dans le bourg de Castelnau : il y meurt en 1737, et repose, tout comme Valentin Jautard, l’aïeul paternel, dans l’église de la petite ville.
L’itinéraire de Valentin Jautard, dont les études juridiques ne nous sont pas connues avec précision, est passé par la Louisiane. Mais aucun chercheur n’est parvenu à trouver la trace du départ de France, et il est vrai qu’il est absent de la liste des passeports enregistrés au greffe de l’Amirauté de Guyenne. Même sa maigre biographie sur Wikipédia débute par ces mots : « On ne sait pas à quelle date il arrive en Amérique ». C’est un mystère que nous avons en vain essayé de résoudre. Dans les années 1750, les navires armés pour la Louisiane recensés par le fonds de l’Amirauté de Guyenne sont peu nombreux : en tout et pour tout, cette destination regarde deux négociants, François Lavaud, expéditeur de l’Aimable Jeanne, de la Nymphe de la Mer, du Dondonnois et du Grand Dondonnois, et Jean Jung, qui y envoie l’Intrigant et le Bien-Aimé et commerce également avec le Canada. Autre source possible, les rôles d’équipage faisant mention des passagers, mais ils n’ont été conservés que pour une partie de ces bâtiments. De plus, nous n’avons aucune certitude à propos de ce voyage : Valentin peut tout aussi bien avoir transité par la Martinique, voire, même si cela semble improbable, s’être embarqué ailleurs qu’à Bordeaux. Seule certitude : en janvier 1759, âgé de 22 ans, il demeure déjà depuis quelques temps à La Nouvelle-Orléans, et réalise cinq ans plus tard, en 1764, une acquisition dans le sud de l’Illinois, qui est alors une dépendance de la Louisiane française et son grenier à blé : il conservera cette propriété, située en bordure du Mississipi, jusqu’à la fin de sa vie. Il reste évidemment de nombreuses zones d’ombre, et parmi ces inconnues, les circonstances qui entourent son départ pour le Québec, au plus tard en 1768 (Galarneau avance la date de 1767), date à laquelle il est commis avocat à Montréal. Toujours célibataire (un projet de mariage, sanctionné par un contrat en 1759, n’a pas abouti), il a alors 32 ans.
Au Canada dominé depuis 1763 par la couronne britannique, Valentin Jautard sera un personnage controversé. Extrêmement critique vis-à-vis du pouvoir civil et de l’Eglise, il se serait sans conteste, s’il avait vécu jusqu’en 1789, enflammé pour la Révolution. Adepte des thèses des Lumières, il milite pour les libertés fondamentales et appelle la jeunesse à étendre ses connaissances en fuyant l’enseignement traditionnel. Cet homme de plume, auteur de poésies, s’impose comme un grammairien, féru de littérature et qui n’hésite pas à fouetter la production de ses contemporains. Il devient en 1778 rédacteur à la Gazette du Commerce et Littéraire de Montréal, par la suite Gazette Littéraire pour la ville et district de Montréal, premier périodique francophone créé au Québec par son ami Fleury Mesplet (entièrement réédité en 2010 par une équipe de chercheurs canadiens). Il y emploie un joli pseudonyme, « Le Spectateur Tranquille ». La même année, il est cofondateur d’une société philosophique, l’Académie de Montréal, ouvertement voltairienne. A ces activités qui suffiraient à lui valoir des inimitiés, s’ajoute sa main tendue aux patriotes américains. Il accueille avec enthousiasme à Montréal les troupes du général Montgomery en novembre 1775, et l’adresse qu’il improvise alors est sans ambigüité : « Les ténèbres dans lesquels nous étions ensevelis sont enfin dissipés, le jour luit, nos chaînes sont brisées ». Il épouse entièrement l’idée des Insurgés d’intégrer le Québec à leur confédération. Quelques mois plus tard, en avril 1776, il fait tout naturellement partie du comité d’accueil de la délégation du Congrès menée par Benjamin Franklin, s’offre comme correspondant des Fils de la Liberté et traducteur de la Lettre du Général Georges Washington écrite au peuple du Canada. Ses sympathies pour les indépendantistes lui valurent la défiance irréversible des autorités civiles britanniques, qui se superpose à celle des dirigeants sulpiciens du Collège de Montréal, mais aussi à celle des magistrats dont il critique méthodes et arrêts. Son ton subversif entraîne la fermeture de la Gazette un an tout juste après sa création. Jautard sera emprisonné pour délit d’opinion, de la façon la plus arbitraire, de 1779 à 1783. Il n’a plus ensuite que quatre années à vivre, qu’il emploie à se marier, travaillant comme écrivain public.
L’année de sa libération suit de près, en France, la mort de sa mère. Dans son testament rédigé sur sa propriété de Listrac le 16 septembre 1781, Rose Dufau mentionne son 2e fils dans les termes suivants : « Valentin Jautard, établi à la Louisiane ». Il est exact qu’il s’y trouvait autour de 1758/1765, mais tout indique que Rose, depuis lors, n’a pas suivi son parcours : alors qu’à cette date, et tandis qu’elle assiste paisiblement aux vendanges dans son domaine listracais, son fils est incarcéré dans les prisons de Montréal, elle évoque l’hypothèse de son décès, et même l’existence d’enfants légitimes susceptibles de le représenter issus d’une union régulière… Formule standard certes, si ce n’est que Valentin est toujours obstinément célibataire et que cet état n’a pu changer depuis deux ans qu’il est incarcéré. Il est évident que sa mère en ignore tout. Les nouvelles parvenues en France n’étaient donc pas bien fraîches, ce qui semble indiquer que notre Québécois n’a jamais insisté pour entretenir des liens étroits avec sa famille, y compris au moment de la mort de son père, survenue en 1773. Après la disparition de Rose, en septembre 1782, ses cohéritiers agiront « tant pour eux que pour et au nom de sieur Valentin Jautard leur frère et beau-frère, habitant depuis environ vingt ans dans les colonies des îles de l’Amérique » : en aucun cas, ils ne feront état d’une procuration générale ou spéciale qu’il leur aurait signé par le passé, se soumettant uniquement à l’obligation légale de lui faire ratifier ultérieurement les décisions prises. C’est à se demander dans quel délai Valentin fut avisé du décès de sa mère et s’il le fut jamais, tant son domicile exact semble inconnu de ses propres frères et sœurs, qui n’évoquent jamais le Québec. La désignation « colonies des îles de l’Amérique », généralement employée pour Saint-Domingue et toutes les Caraïbes, reste une désignation des plus vagues.
Ce constat relance d’ailleurs la question de la formation intellectuelle de notre journaliste, pétri à l’évidence des classiques latins et grecs, un érudit, un lettré, qui ne puisait pas cet exemple dans la tradition familiale : la bibliothèque de ses grands-parents était inexistante. S’il se passionne pour les questions d’enseignement et d’agriculture, c’est dans des lectures qui remontent à son adolescence bordelaise qu’il a puisé, ou bien qu’il a formé son esprit dans les cercles de la Nouvelle-Orléans. Du reste, ses convictions étaient-elles partagées par les autres membres de la dynastie Jautard ? De ses cinq frères, deux, le greffier et le procureur, font partie du système et gravitent autour des parlementaires, et deux autres sont entrés dans les ordres : seul le quatrième-né, Jérôme, a choisi une carrière d’officier de Marine. Il semblerait donc au contraire que les critiques de Valentin visent le milieu auquel s’incorporent les siens à la même époque, battant en brèche les formes de conservatisme sur lesquelles ils s’alignent. Pour mieux le comprendre et en juger, revenons sur le parcours des membres de cette famille et balayons du regard sa grande fratrie. L’aîné, Jean (1735-1804), aura la charge de greffier de la Cour des Aides ; Anne (1737-1818), la troisième-née, devient l’épouse d’un cousin de la branche Jautard-Mazarin, Guillaume, notaire au bourg de Listrac de 1760 au Premier Empire ; parmi les plus jeunes, on distingue Jean Clair, né en 1740, entré dans les ordres et nommé curé de Bruges (le second ecclésiastique, Bruno, bénéficier de Sainte-Eulalie, est mort à 19 ans), ou encore Valentin Juste, né en 1743, procureur au sénéchal et siège présidial de Guyenne. Tous ont conquis un rang, ont accédé à ce que l’on nomme « la basoche », et comptent fermement poursuivre leur ascension. Il est notable qu’aucun d’entre eux ne se distingua, dans l’histoire de Bordeaux ou du Médoc, par des prises de position publiques à la période révolutionnaire qui vint, par la voie des réformes administratives, les priver de toutes leurs charges, obligeant ces hommes de lois à se reconvertir peu à peu comme jurisconsultes ou juges de paix et à revenir vivre sur leurs domaines de campagne. Quant au curé de Bruges, il refusera le serment en 1791. Valentin fut bien le seul à suivre le cheminement qui le caractérise.
Le nom de cette famille fut longtemps matérialisé par la persistance d’une propriété viticole, le « cru Jautard », situé à Listrac. Il s’agissait primitivement d’un petit bourdieu de 142 règes de vigne acquis en 1733 par Jean Dufau, le grand-père de Valentin, accru par ses héritiers, et que Rose, en 1781, légua à son fils aîné, Jean, le greffier de la Cour des Aides. Par le mariage d’Adélaïde Jautard, il passera dans les mains des familles Cazeaux et Métayet. A Moulis, le domaine ancestral de Bouqueyran était échu à Valentin Juste Jautard, le cinquième fils, procureur au sénéchal puis avoué après la Révolution, qui mourut en 1818 : il finit par échapper à sa descendance. Il en va ainsi de bien des dynasties locales qui connurent la gloire : en quelques dizaines d’années, le souvenir s’efface, tout est bouleversé. C’est le même processus qui explique l’état de nos cimetières médocains, auxquels A2PL continue de marquer un vif intérêt : toutes les grandes familles se sont éteintes ou dispersées, ne laissant après elles que des pierres fendues et des grilles rouillées, dont les portes pendent tristement sur leurs gonds. Cette évolution fatale a définitivement fait basculer la vie de ces hommes et de ces femmes dans l’histoire collective. Ici, le fait qu’un individu ait connu une destinée peu ordinaire et forme à présent un sujet d’étude reconnu outre-Atlantique renforce la pertinence de nos travaux en pays landescot, les recherches se faisant écho. En donnant un éclairage sur les origines de Valentin Jautard, nous pouvons mieux cerner ce qui peut procéder de l’éducation reçue dans son milieu familial et ce qui relève de son propre entraînement de ses capacités intellectuelles. Le jeune homme, c’est manifeste, avait envie de « voir autre chose » : les vendanges à Listrac, la maison de ses grands-parents à Castelnau et le pavé de Bordeaux ont constitué pour ses frères un horizon suffisant ; pour lui non. Si ses choix et ses engagements, souvent courageux et dont il paya d’ailleurs le prix, viennent en contradiction avec ceux de sa propre famille, c’est également une donnée à prendre en compte pour souligner sa capacité à s’émanciper, à se rendre indépendant d’un contexte et d’origines qui tendaient au contraire à le formater, à suivre la voie de l’arrivisme en s’intégrant coûte que coûte aux corps usés de l’Ancien Régime. Valentin Jautard, c’est certain, a suivi les préceptes de Voltaire, lorsque le grand philosophe écrivait : « Il n’appartient qu’à vous d’apprendre à penser ».
Pour en savoir plus (bibliographie non exhaustive) :
C. GALARNEAU : notice Jautard, Valentin, dans le volume 4 du Dictionnaire biographique du Canada, 1980
J.P de LAGRAVE et J. G. RUELLAND : Valentin Jautard, premier journaliste de langue française au Canada, 1989
N. DOYON : Valentin Jautard, premier critique littéraire au Québec, dans la Revue d’Histoire du Québec n° 69, 2002
Sous la direction de P. HEBERT, Y. LEVER et K. LANDRY : article « Gazette Littéraire pour la ville et district de Montréal » dans le Dictionnaire de la censure au Québec, pp. 287 et suiv., 2006
J. G. RUELLAND : Histoire de la liberté d’expression au Québec depuis 1776, une histoire sans fin, Société Historique de Montréal, 2009
L. CROS : L’autre participation française à la guerre d’Indépendance : la campagne du Québec, 1775-1776, dans La France en Amérique à l’époque coloniale, 2009
N DOYON, J. COTNAM, P. HEBERT : La Gazette littéraire de Montréal, 1778-1779, 2010
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