Nous n’avons pas eu tort de limiter à 60 personnes le nombre des inscriptions : adhérents et sympathisants ont en effet répondu nombreux à l’invitation du 18 avril. Une journée marquée par la présence inespérée du soleil en début d’après-midi, au moment précis où les premiers visiteurs empruntaient le chemin des douves pour découvrir la première façade d’Issan. Précédant la visite des appartements de l’aile XVIIe, ce parcours dévoilait le mur de l’enclos édifié en 1644 sur l’ordre de Marguerite de Lalanne, veuve de Pierre d’Essenault, l’une des maîtresses femmes de l’histoire du domaine.
Le grand chai d’Issan, déjà bâti à cette époque, nous offrait le cadre idéal pour évoquer la personnalité de Pétronille de Largeteau, épouse du petit-fils de Marguerite. Veuve d’un négociant, ayant perdu ses trois fillettes, son destin bascule en 1689 avec un remariage tardif. Sarran d’Essenault est le cadet d’une vieille famille de parlementaires, mais fait le choix de laisser triompher une histoire d’amour que l’examen des documents rend incontestable. L’année suivante, la mort de Pierre d’Essenault, son frère aîné, fait d’eux les barons d’Issan. Et en 1703, lorsque le duc de Randan achève le solder les dépouilles de la succession d’Epernon, le couple devient maître de la terre de Castelnau, érigée en marquisat. Combien passionnante était la lecture du rituel de la prise de possession, qui mena Sarran d’Essenault dans toutes les paroisses landescotes, pendant une semaine entière, allant jusqu’à traverser les sables pour se rendre au Porge au bord du grand océan procéder à « l’attouchement de l’eau ». Dès lors, les époux détiennent un territoire immense, s’étirant d’est en ouest sur 11 communes du Sud Médoc, d’une rive à l’autre, de l’estuaire à la mer.
De l’avis d’un grand nombre de participants, sans doute l’une des conférences les plus chargées d’émotion. Comment en serait-il autrement après que l’intervenant nous ait dévoilé ce double et puissant attachement de Pétronille de Largeteau pour un époux tôt disparu et ce domaine qu’ils ont achevé de façonner, prolongeant l’œuvre de son aïeule Marguerite ? Consciente des convoitises qui menaçaient Issan, elle élabora un règlement de succession qui devait prémunir le bien des appétits de Léon de Candale, le neveu de son mari, et assurer longtemps encore le prestige de la famille d’Essenault. Le partage insolite des pièces du château, ou le projet de mariage avorté entre les enfants des deux ennemis héréditaires, font partie des épisodes rocambolesques qui amènent un sourire. Mais au-delà de ces considérations matérielles, le plus extraordinaire est de voir Pétronille magnifier sans cesse la mémoire du disparu : de la litre funéraire qu’elle fait peindre jusqu’au vœu de ne jamais séparer leurs deux portraits, en passant par celui, hautement symbolique, d’ajouter son propre emblème au dessus du cœur que représente le blason familial, cette femme parvient à nous toucher 3 siècles après sa disparition.
La visite de l’église de Cantenac complétait notre programme. Nous remercions chaleureusement MM. Jean-Pierre Seynat, maire honoraire de Cantenac, et Pierre Buhot, secrétaire de l’association des amis de l’église Saint-Didier, d’avoir exceptionnellement ouvert à A2PL les portes de ce bel édifice néo-classique, nous permettant d’apprécier l’étendue des campagnes de restauration achevées en 2009. Le délicat couvercle de bois peint des fonts baptismaux, les fresques de la tribune, les superbes vitraux de la maison Dagrant, la statuaire et les marbres rouges du Languedoc sont autant de trésors cachés.
Tandis que le château et ses douves terminaient sous la pluie, c’est toujours à l’abri du chai, pour un beau cocktail au cours duquel a été dégusté un château d’Issan 2007, que la journée a pris fin. Nous remercions très vivement, une fois encore, Emmanuel Cruse, propriétaire d’Issan, auquel revenait le mot de conclusion à l’issue de la conférence, ainsi qu’Augustin Lacaille, directeur commercial du domaine, et tous les membres du personnel qui nous ont accueillis. Merci également à tous ceux de nos adhérents qui ont la gentillesse de nous communiquer leurs photos.
Rendez-vous le 30 mai pour la prochaine visite-conférence du cycle Portraits de châtelaines entre lande et estuaire, dans le cadre du château Loudenne, à Saint-Yzans-de-Médoc. Après le Castéra et Issan, les Verthamon et les Essenault, c’est un nouveau lieu magique et un autre parcours de vie romanesque qui nous est promis. Réservez la date !